Vingt-quatre fois Jean-Luc Fafchamps

Renoncer au concours de composition pour directement passer commande à des compositeurs reconnus a changé le statut des imposés du Reine Elisabeth. Inutile de changer de poste quand survient Back to The Sound. Même répété 24 fois, cette semaine, par tous les demi-finalistes de cette édition piano, il y a toujours des découvertes à la clef et une gourmandise sonore revendiquée par son auteur. L’œuvre résonne, vibre, joue des couleurs et d’infinis tours de passe-passe rythmiques. Elle multiplie les surprises plus que les embûches.

Cet imposé est destiné à refermer un triptyque débuté en 1998 avec Back to the Voice. Ce sont trois points de vue associés à mon expérience de jeunesse au piano, explique Jean-Luc Fafchamps. Pour moi qui écris surtout de la musique infra-chromatique et micro-tonale, retourner au piano signifie toujours revenir à  quelque chose : la polyphonie, le contrepoint et Bartók pour Back to the Voice ; une musique antirépétitive au sens strict pour Back to the Pulse, à la demande du pianiste Jean-Philippe Collard-Neven, et à présent Back to the Sound. C’est un curieux triptyque, dont l’ordre des mouvements est laissé au choix de l’interprète, ouvrant ainsi des développements inattendus.

Cette production rejoint la réflexion de Fafchamps distillée, depuis 2000, dans ses somptueuses Lettres soufies : un système de cycles, mis en réseau par des correspondances analogiques. C’est frappant dans Back to the Sound. L’œuvre présente deux thèmes bien identifiables. Mais ils se développent et se croisent au point de quasiment s’intervertir. J’ai découvert que ce traitement de la matière crée un espace d’incertitude qui peut déboucher sur quelque chose de différent – ou comment la transformation des formes peut être reconnue par la mémoire tout en débouchant sur un autre imaginaire.

Le compositeur se revendique de Debussy pour la cause et de ses successeurs spectraux, en reprenant de ces derniers les artifices sonores, comme les fascinants sons de cloche, la prise de tête en moins. Cet hédonisme sonore, quasi onirique, gagne aussi le rythme. L’écriture multiplie les changements de mesure et les subtilités rythmiques, mais le résultat s’apparente davantage à une gestion organique du flux. Attention, ce n’est pas n’importe quoi, prévient-il. Cela départage les candidats.

À charge pour eux de décrypter tous ces éléments et de les restituer en un tout cohérent. Ce fut le plus grand travail : que chaque variation soit ouverte sur la suivante. Et cela demande un travail de la part de l’interprète pour donner à l’ensemble son unité, pour imaginer chaque salve comme la composante d’un tout.

Xavier Flament, mai 2010

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